mardi 30 octobre 2012

La naissance de l'Ourson



Tu es né à la fin d’un été qui m’a paru long et brûlant. Mon ventre n’en finissait pas de grossir, ma démarche devenait chaque jour plus lourde et pesante. Nous courrions contre la montre pour terminer la plus grosse partie des travaux de rénovation de notre nouvel appartement. Une semaine avant ton arrivée, nous dormions toujours sur un matelas au sol. Papa bricolait de la plomberie avec son ami Pierre-Henri. Et Céline, l’amie de Maman, vint prêter main forte pour construire la cuisine. Le dimanche qui précéda ta venue au monde, le gouvernement décréta l’état de canicule. La maternité où tu es né reçut 3 ventilateurs et une dizaine de brumisateur en bouteille. Il faisait une chaleur épouvantable.

Nous pensions que tu te faisais prier pour venir. Nous étions si impatients ! Le samedi, la grossesse de Maman était à son terme et nous nous rendîmes à la maternité. Mais le col de l’utérus était encore loin d’être mûr : ramolli, mi-long et perméable à un doigt. Le lendemain, Maman eut quelques contractions tout au long de la journée. Le soir, elles devinrent plus fortes et plus rapprochées. Mais j’étais persuadée qu’elles n’aboutiraient à rien, à aucune dilatation et que nous devrions déclencher ta naissance le jeudi suivant. Cette perspective contrariait tous les plans que j’avais pour ta naissance (naissance naturelle). J’avais peur de souffrir beaucoup plus qu’une naissance spontanée. Et plus, je souffrais déjà, alors que rien n’avançait…

Vers minuit, j’ai commencé à noter les heures de mes contractions. A 2H30, elles étaient régulières toutes les 10 minutes. Je n’arrivais pas à rester allongée dans le lit pendant les contractions et me lever à chaque fois réveillait ton Papa. Or, je voulais qu’il dorme bien, au cas où ta naissance arrivait finalement. Je suis donc allée m’asseoir dans le fauteuil du salon. J’ai essayé de respirer en 4 temps comme j’avais appris en cours de préparation à la naissance. J’ai tenté plusieurs positions pour me soulager, aucune ne semblait vraiment efficace. La seule qui fonctionna réellement par la suite fut de se pendre (littéralement !) au cou de ton père.

Deux heures passèrent avec des contractions toutes les 10 minutes puis elles se rapprochèrent toutes les 5 minutes pendant 1 heure et demie. A 6H du matin, je réveillai ton Papa en lui disant qu’il prenne le temps d’émerger avant de partir à la maternité. Mais l’espacement entre les contractions revint à un rythme de 10 minutes d’intervalle. Ton Papa réussit donc à finaliser le dossier qu’il devait rendre ce jour là et à envoyer quelques mails. Puis nous partîmes pour l’hôpital en faisant une petite pause dans une station service pour gonfler mon ballon d’accouchement sur lequel je plaçais beaucoup d’espoir pour me soulager. Malheureusement, je n’eu pas l’occasion de m’en servir…

Arrivés aux Urgences de l’hôpital Trousseau, c’est parti pour 45 minutes de monitoring où 3 minuscules contractions ressortent sans refléter du tout l’intensité avec laquelle je les ressentais. La sage-femme m’examine, je suis dilatée à un doigt seulement. Très grosse déception !! Elle nous dit d’aller nous promener une heure. Nous partons faire un tour et décidons prendre un déjeuner. Il est 11H30. J’ai toujours des contractions toutes les 10 minutes.  Lorsque nous retournons aux urgences à 13H, la salle d’attente est comble. Je vais attendre 2H à faire les 100 pas et à me tordre de douleur à chaque contraction. La position  pendue au cou de ton Papa est un peu démonstrative et je n’ose pas me donner en spectacle toutes les 10 minutes. Il fait une chaleur à crever. Je n’en peux plus !

Lorsqu’enfin je suis à nouveau examinée, vers 15H, je suis dilatée à 2 doigts. Les touchers effectués par la sage-femme me font très mal. Je me couvre la bouche avec la main pour  ne pas crier. Je me sens un peu mélodramatique dans ce geste, mais il est venu instinctivement. Elle me demande si les contractions me font plus mal qu’avant. Je ne sais pas vraiment quoi répondre. Je sais surtout que je commence à être vraiment fatiguée avec ma nuit quasi blanche dans les pattes et mes 12 heures de contractions régulières. Ton Papa, lui, trouve que j’ai l’air d’avoir très mal et l’exprime. La sage-femme décide de m’admettre : finally ! Mais elle nous annonce que nous allons être transférés dans une autre maternité car il n’y a plus de salle de naissance libre. Finalement, la chance nous sourit, une salle se libère et ils décident de nous garder car ton cœur souffre à chaque contraction.

Enfin, j’entre dans la salle où je vais faire ta connaissance ! Je me sens soulagée d’arriver au bout de ce long périple de la grossesse. J’ai eu si peur que mon corps n’arrive pas à te donner ce qu’il te fallait pour que tu grandisses correctement, que je fasse quelque chose qui te mette en danger, ou que je ne sache pas reconnaître le signe d’un problème. Je craignais que tu ne meures dans mon ventre. J’avais peine à croire que je sois capable de fabriquer un petit bébé !
Et maintenant, je suis arrivée au moment où il va falloir t’aider à sortir, mais je me sens capable de le faire. J’ai confiance en l’équipe médicale.

Je me déshabille, enfile la blouse du patient (ouverte derrière). Ton Papa doit porter une blouse en matière synthétique qui lui donne encore plus chaud, ainsi que des chausson en plastique. La sage-femme m’explique que l’accouchement va être accéléré par perfusion d’une hormone, l’ocytocine, car ton cœur a du mal à supporter les contractions et ralenti trop à chaque fois. Cette perfusion induit la pose d’une péridurale. Exit mon plan de naissance, déambulation, ballon d’accouchement, huiles essentielles … Mais pour moi, le plus important est que tu naisses en bonne santé.

Une jeune anesthésiste vient poser ma péridurale. Il fait si chaud et maintenant j’ai presque frais. La sage-femme vient de temps en temps. Elle masse le col de l’utérus pour l’aider à s’ouvrir. Je ressens un frottement et je me dit que j’aurais vraiment eu mal si je n’avais pas de péridurale. Déjà qu’un simple toucher me faisait monter au plafond, j’aurais bien dégusté avec ces « massages ». La sage-femme, jeune et jolie avec de grands yeux bleus derrière ses lunettes larges et rondes, m’en présente une autre, jeune et jolie aussi, plus petite, avec les cheveux chatains bouclés. Elle est énergique et enthousiaste quand la première était douce et calme, presque rêveuse avec sa longue silhouette élancée et ses grands yeux. La nouvelle sage-femme m’appelle « ma petite dame »: «Comment ça va ma p’tite dame ? » Cela énerve ton Papa.

Soudain, elle grimace en regardant le monitoring et lance à l’infirmière : « Tu me bipes l’interne ! ». Se tournant vers moi : « Tout va bien ma petite dame, ne vous inquiétez pas ! » En quelques minutes, la pièce se remplit de personnes : l’interne, une jeune femme, le médecin de garde, un bel homme d’une trentaine d’année, plusieurs infirmières. Je comprends que mon utérus reste contracté depuis plusieurs contractions et que ton cœur a fortement ralenti. Ils coupent l’ocytocine et injectent quelque chose pour faire l’effet inverse. Pendant ce temps, le médecin m’examine, assisté de la sage-femme et de l’interne. Une infirmière me pose une sonde urinaire. On m’avertit que la césarienne est une possibilité.

Je pense que je devais être dans un état second  car je ne panique pas vraiment. Si on me répète de ne pas m’inquiéter, la sage-femme pose gentiment sa main sur mon épaule pour me rassurer : je suis sensée avoir peur ? Je repense à un exercice de sophrologie où une situation semblable est racontée. Je pense à me concentrer sur ma respiration. Ton Papa qui s’était assoupi a eu le droit à un réveil en trombe !

Finalement, en positionnant sur le côté gauche et en arrêtant l’ocytocine, le rythme de ton cœur se stabilisa et la césarienne fut évitée.

Ce fut le moment où l’équipe de nuit prit le relais. L’ambiance prit un ton légèrement différent. Les lumières se firent plus tamisées. Il semblait y avoir moins de monde. Nous entendions les infirmières plaisanter dans le couloir avec le brancardier de nuit : « ça va mon Gégé ?!! ». La nouvelle sage-femme était très rassurante. Elle maîtrisait bien ce qu’elle faisait. Elle me remit de l’ocytocine à un dosage plus faible et m’injecta du spasfon pour détendre mon col qui était crispé. La dilatation s’accéléra. Elle me dit que tu présentais ton visage au lieu de l’arrière de ton crâne pour descendre dans mon bassin. Elle me fit lever une jambe pour t’aider à te retourner correctement. Et comme tu es un bébé adorable, tu le fis.

Rendez-vous sur Hellocoton !Lorsqu’elle nous annonça que j’étais à dilatation complète, je commençais à me sentir un peu à bout. J’avais envie de pousser et qu’on en finisse. Mais il fallait attendre que tu descendes dans mon bassin. La péridurale faisait à présent moins d’effet et je sentis ton petit corps se glisser entre les os de mon bassin. Deux fois, la sage-femme vint et me fit pousser pendant une contraction, mais deux fois elle repartit. Mon esprit tournait en boucle, je n’en pouvais plus, je voulais que tout cela soit terminé. J’avais la sensation que je n’y arriverais pas, que je ne poussais pas correctement. Et je mourrais de faim !! J’aurais donné n’importe quoi pour avaler autre chose que 2 gorgées d’eau de temps en temps. Enfin, la sage-femme revint et prépara la salle pour ta naissance. Elle enleva l’extrémité du lit, étala des draps, posa une bassine au pied du lit.

Vingt-quatre heures après mes premières contractions régulières, ce fut le moment de pousser. Je poussai de toutes mes forces, comme je l’avais appris en cours de préparation, en repoussant avec mon ventre. Elle me dit de continuer, encore, encore, encore ! Je sentais qu’elle massait le périnée pour l’aider à se détendre pour laisser ta tête. Je l’entendis demander plus de savon à l’infirmière. Je pensais à l’huile spéciale que j’avais apportée : pas le temps de la proposer ! Elle me dit : « Poussez juste un peu pour l’épaule. » Nous en sommes déjà à l’épaule ! J’étais prête à pousser pendant une demi heure ! Deux contractions, quatre poussées et soudain, le plus bel instant de ma vie. Je la vois relever ton petit corps. D’abord ta tête était toute affaissée et j’eu peur que tu ne sois pas en grande forme. Puis tout d’un coup, tu la relevas et écartas largement les bras et je sus que tu allais bien. On te posa sur ma poitrine avec tes yeux grands ouverts et mon cœur explosa. Mon ange, mon petit miracle, je n’arrive toujours pas à y croire !
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